Prise de parole du collectif,
réunion publique du 18/12/2018
Ce soir, la mairie convoque les habitants du quartier pour présenter « l’état d’avancement » du projet dont nous entendons des échos depuis un certain temps déjà, au travers de bruits de couloirs ou par quelques indices distillés dans la presse. Le collectif pas d’avenir sans Avenir note qu’une fois de plus, ce projet s’est construit dans l’opacité la plus totale, piétinant une nouvelle fois la décision prise en conseil municipal en 2006 de reconstruction de notre ancienne salle de quartier.
Comment ne pas rire jaune devant les grands discours politiciens sur la participation des habitants, quand on nous présente un projet visiblement déjà décidé ?
Ici, place Guérin, il est bien connu que nous n’avons pas l’habitude de nous laisser faire. Dans la continuité de l’histoire populaire de la ville, la lutte pour la salle de l’Avenir est marquée depuis presque 15 ans par la volonté des habitants de s’organiser pour peser sur ce qui les concerne directement. Ainsi, malgré des moyens dérisoires, nous avons reconstruit une salle de quartier qui, sans être parfaite, a le mérite d’être à l’image de la place : parfois bordélique, toujours accueillante et solidaire. Face à ça, la municipalité a préféré nous ignorer, même lors des réunions publiques organisées par le collectif. Pire, elle tente aujourd’hui de monter différentes forces vives du quartier les unes contre les autres.
Face à des pratiques moyenâgeuses de décisions imposées par la ville de Brest, l’Avenir est devenue une aventure humaine collective, horizontale et ouverte, d’organisation par le bas d’habitants, d’habitantes et d’habitués de la place Guérin, du quartier Saint-Martin et au-delà. Ensemble, en discutant, en partageant des savoirs, en s’engueulant parfois, nous avons montré que contrairement à ce que notre maire semble penser, l’idée de quartier fait encore sens. Ce dont il est question, c’est d’habiter un quartier, au sens plein du terme. Ça n’est pas seulement dormir quelque part, c’est avoir ici des habitudes, des attaches, des voisins, des camarades et des amis. C’est aussi savoir agir ensemble quand c’est nécessaire.
Le porteur de projet doit bien avoir conscience de la nature du terrain dont la mairie entend lui faire cadeau. Il y a trois ans, nous avons lutté contre un absurde projet immobilier, annoncé là encore en toute discrétion, et que le quartier a refusé en bloc. À l’époque, la priorité ne semblait pas être la construction d’une quelconque crèche d’ailleurs. Mais peu importe, il est simplement indécent qu’un nouveau projet privé, quelle que soit sa nature, vienne tirer profit de notre lutte. Nous ne laisserons pas non plus le four à pain que nous avons construit, servir de caution participative à un nouveau projet décidé sans nous.
Surtout, ce qui est ici une évidence pour tout le monde, demeure niée par nos élus : le terrain dont nous parlons n’est pas libre, loin de là. La vitalité de l’Avenir et son caractère aujourd’hui incontournable dans la vie du quartier ne sont plus à prouver. Il suffit d’observer les allers et venues entre la place et l’Avenir, d’écouter les discussions dans le quartier pour conclure que ce lieu est définitivement intégré dans l’écosystème de la Place. Chaque fournée de pain, chaque repas de quartier, chaque projection de film et chaque soirée témoignent de la nécessité d’un espace commun tel que celui-ci à Brest. À quasiment toutes les réunions hebdomadaires du collectif, de nouvelles personnes viennent proposer leurs idées, simplement parce que beaucoup de choses qui se passent ici ne pourraient se faire ailleurs.
Il y a quelque temps, nous avons eu vent d’un projet de « pôle social ». C’était oublier le rôle social que l’Avenir a déjà dans le quartier. Celles et ceux qui sont déjà venus le savent, l’Avenir est un espace où les personnes ailleurs marginalisées peuvent prendre part à la vie collective et être considérées comme des individus à part entière. L’importance accordée aux événements à prix libre ou gratuits s’inscrit dans cette même logique d’accessibilité pour le plus grand nombre. De même, les personnes en exil expulsées par Brest Métropole Habitat des maisons occupées du Forestou ont été ici accueillies à bras ouverts, malgré des conditions difficiles. Beaucoup de voisins sont passés à l’Avenir à ce moment-là, déposer de la nourriture, des vêtements, aider comme ils le pouvaient.
Aujourd’hui, il semble que le projet qu’on nous présente ait été remodelé dans une version conforme au rêve de la municipalité de voir les plus modestes et les plus turbulents quitter le centre-ville.
Mais pour des associations, des collectifs, pour les habitués des bistros, les boulistes assidus, pour les Guérinois et Guérinoises endurcis, comme pour les curieux de passage, pour celles et ceux qui ne reconnaissent plus leur ville dont on veut changer le visage à marche forcée, l’Avenir n’est pas qu’un hangar autoconstruit, c’est une véritable bulle d’oxygène. Il est rageant que des décideurs qui n’ont aucune idée de la richesse de ce qui se vit ici viennent une nouvelle fois menacer nos manières d’habiter la Place.
Il est encore plus rageant d’imaginer la mairie utiliser un organisme privé à vocation sociale comme prétexte pour stopper la belle dynamique que nous avons mise en place à l’Avenir, sans aucune considération pour notre histoire commune.
D’autant que nous pouvons nous interroger. La métropole dispose de réserves foncières conséquentes dans le quartier ou à proximité, qui conviendraient davantage. Et d’autre part, qu’en est-il de la circulation déjà saturée autour de la place aux heures d’entrée/sortie des écoles ?
Mais il ne fait aucun doute que la majorité municipale cherche ici à faire d’une pierre deux coups : se parer de vertus sociales pour flatter une partie de son électorat et se débarrasser une bonne fois pour toutes de la salle de l’Avenir.
Ce que nous défendons, ce n’est pas seulement un espace auquel on tient, c’est aussi une certaine idée de Brest. Aussi, le collectif pas d’avenir sans Avenir, fort de ses soutiens dans le quartier, et au-delà, n’entend aucunement baisser les bras. Nous continuerons à nous opposer fermement à toute entreprise de démolition de cet espace commun.